22.10.2025

Paradis fiscal Andorre : pourquoi la Principauté n’entre pas dans cette catégorie

L’expression « paradis fiscal » revient régulièrement lorsque l’on évoque Andorre. Elle ne décrit pourtant ni le statut international de la Principauté ni son fonctionnement fiscal actuel. Insérée dans les standards de transparence (OCDE), engagée dans l’échange automatique d’informations et couverte par une convention fiscale avec la France, Andorre combine barèmes modérés et règles exigeantes de résidence réelle et de substance économique. Pour un candidat à l’expatriation, l’enjeu n’est pas d’échapper à l’impôt mais de payer à bon droit là où il vit, dans un cadre lisible et contrôlé.


Andorre n’est pas listée comme « juridiction non coopérative » par l’Union européenne

La référence la plus utilisée en Europe pour qualifier un « paradis fiscal » au sens politique est la liste des juridictions non coopératives publiée par le Conseil de l’UE. Andorre n’y figure pas ; la liste révisée à l’automne 2025 recense onze territoires (Pacifique, Caraïbes, Russie, etc.), sans mention de la Principauté.

Où en est la liste européenne ?

La mise à jour du 10 octobre 2025 confirme onze juridictions en annexe I (American Samoa, Anguilla, Fidji, Guam, Palaos, Panama, Russie, Samoa, Trinité-et-Tobago, Îles Vierges américaines, Vanuatu). Andorre n’est pas incluse, ce qui signifie que ses engagements en matière de coopération fiscale sont considérés comme conformes par les États membres. 

Transparence OCDE : échanges d’informations, CRS et alignement progressif

Un marqueur décisif pour distinguer les juridictions « opaques » des places normalisées consiste à regarder l’appartenance et la conformité aux standards de l’OCDE : échange d’informations sur demande (EOIR) et échange automatique (AEOI/CRS). Andorre s’y est ralliée et met à jour ses textes.

Échange automatique (CRS) et mises à jour récentes

Andorre applique le Common Reporting Standard (CRS) ; la loi interne d’application est entrée en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2017, ouvrant la voie à l’échange automatique d’informations financières avec les partenaires concernés. En 2025, l’UE et plusieurs micro-États européens, dont Andorre, ont encore actualisé leur accord pour intégrer les extensions du CRS (actifs numériques, e-money, etc.), avec une entrée en vigueur annoncée au 1ᵉʳ janvier 2026 après ratification. 

Échange d’informations sur demande (EOIR)

Au-delà de l’automatique, le Global Forum de l’OCDE évalue la capacité des juridictions à fournir, sur demande, des données bancaires, comptables et de propriété effective. C’est l’infrastructure qui permet aux administrations fiscales de documenter un dossier et de lutter contre la dissimulation. Andorre est intégrée dans ce mécanisme d’évaluations et de revues par les pairs. 

Convention fiscale France–Andorre : coordination des droits d’imposer

À l’échelle d’un foyer français qui s’expatrie, la question clé est la double imposition. La convention bilatérale entrée en vigueur en 2015 arbitre les conflits de résidence, répartit les droits d’imposer (immobilier, salaires, dividendes, intérêts, BIC/BNC) et prévoit des crédits d’impôt.

Effets pratiques pour un expatrié

Les revenus immobiliers de source française restent imposables en France ; les salaires sont en principe imposés dans l’État d’exercice ; les revenus mobiliers sont soumis à des retenues plafonnées avant imposition dans l’État de résidence. La convention offre un cadre prévisible : elle n’efface pas l’impôt, elle coordonne.

Barèmes et impôts : une fiscalité modérée mais non nulle

Parler de « paradis fiscal » laisserait entendre l’absence d’impôt. Ce n’est pas le cas. Andorre a bâti, en une décennie, un triptyque lisible : impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPF) à progressivité contenue, impôt sur les sociétés (IS) facial 10 %, et IGI (équivalent TVA) à 4,5 % en taux standard. L’ensemble pèse moins que dans les grands pays voisins, mais il existe bel et bien.

IRPF, IS, IGI : points de repère

  • IRPF : barème progressif avec taux marginal plafonné bas ; modalités allégées par rapport aux grands États.
  • IS : 10 % facial, sans surtaxes en cascade ; obligations comptables centrées sur la réalité de l’activité.
  • IGI : 4,5 % en taux standard, complété par quelques taux réduits ; la logique est celle d’une TVA plus légère.
    Ce cadre favorise la prévisibilité du coût fiscal et la rétention de trésorerie des entreprises, sans exonérer de contribution aux services publics.

Résidence fiscale : le fond prime sur la forme

L’élément déterminant n’est pas la carte de séjour en elle-même, mais la réalité de vie. La résidence fiscale andorrane repose sur un faisceau d’indices : présence >183 jours, logement principal en Principauté, compte bancaire (IBAN AD) réellement utilisé, affiliation CASS, scolarisation éventuelle des enfants, et activité économique exercée localement (salariat, « autònom », société).

Preuves et cohérence

Bail ou acte d’achat, factures d’énergie et de télécoms, attestations d’assurance, relevés bancaires, contrats de travail ou statuts d’entreprise, déclarations IGI et comptabilité locale : plus ces éléments convergent, plus la résidence est solide. À l’inverse, une famille restée hors d’Andorre, une direction effective exercée depuis l’étranger ou des revenus majoritairement tirés d’activités réalisées physiquement hors du territoire fragilisent le dossier.

Substance économique et conformité : la fin des « boîtes aux lettres »

L’époque des structures de pure domiciliation est révolue. Banques et autorités appliquent des processus KYC/AML poussés ; l’échange automatique d’informations élargit la traçabilité ; les entreprises doivent produire et facturer depuis Andorre, tenir leur comptabilité et déclarer l’IGI le cas échéant.

Ce que regardent les établissements financiers

Origine des fonds, régularité des revenus, situation professionnelle, historique patrimonial et cohérence entre l’activité affichée et les flux réels. Les profils sans projet ou non documentés sont écartés. La conformité n’est pas accessoire : c’est la condition d’accès aux services bancaires, donc à la vie économique locale.

Profils d’expatriés : incidences concrètes

Trois trajectoires illustrent la façon dont le cadre andorran s’applique : indépendant international, dirigeant-actionnaire, salarié qualifié. Dans les trois cas, la logique reste la même : résidence réelle, substance, transparence.

Indépendant international

Au choix, statut d’« autònom » ou société andorrane ; facturation depuis la Principauté, comptabilité et IGI locales, IRPF modéré. Les missions réalisées physiquement dans d’autres pays exigent une cartographie claire des jours et des lieux d’exécution pour éviter les chevauchements d’imposition.

Dirigeant-actionnaire

Combinaison rémunération + dividendes, sous la réserve essentielle d’une direction effective en Andorre (réunions, signatures, décisions). Les flux transfrontaliers doivent respecter la convention et, en cas de liens intragroupe, s’aligner sur des prix de transfert documentés.

Salarié qualifié

Contrat local, affiliation CASS, compte bancaire andorran et fiscalité simple à l’IRPF. Les déplacements professionnels à l’étranger n’altèrent pas la résidence si l’essentiel des indices de vie reste andorran (logement, famille, ancrages).

« Paradis fiscal » : un qualificatif inadapté au fonctionnement actuel

Un paradis fiscal cumule, par définition politique, opacité, absence d’échanges d’informations et charges quasi nulles. Andorre n’entre dans aucune de ces cases. Elle coopère avec les partenaires européens, échange des informations au titre du CRS et de l’EOIR, et perçoit l’IRPF, l’IS, l’IGI ainsi que des taxes locales et des cotisations sociales.

Évolutions récentes et trajectoire

La dynamique des dernières années va dans le sens d’un resserrement des standards internationaux, y compris sur des sujets nouveaux (actifs numériques). Le maintien d’Andorre hors des listes européennes de non-coopération, combiné à l’actualisation des accords AEOI, consacre une normalisation durable. 

Conclusion : pour l’expatrié, un cadre lisible plutôt qu’un « refuge »

Andorre attire parce qu’elle propose un coût fiscal maîtrisé dans un État de droit intégré aux standards OCDE et reconnus par l’UE. Cela ne ressemble ni de près ni de loin à un « paradis fiscal ». Pour un ménage ou un entrepreneur, la clé d’une installation réussie tient à la résidence réelle, à la substance économique et à la discipline déclarative des deux côtés de la frontière lorsque des revenus de source étrangère subsistent. À ces conditions, la Principauté n’est pas une échappatoire : c’est un choix de vie cohérent où l’on paie l’impôt là où l’on vit et où l’on bénéficie, en retour, d’un environnement stable, transparent et prévisible.